De singes et de mouches (extraits) / from Of Flies and Monkeys

French

A poem is not made of words
George Oppen

jusqu’au borborygme

jusqu’à l’onomatopée
des singes

par la bouche outrepassée

monnaie de singes
et de mouches

un tintement de pièces
sous la plaie

— et le cœur singe la mouche
et les singes

mouchent le cœur trépassé

Tant que je respire ils dansent

une danse aux bras trop longs
une pensée volubile
une langue de verre une langue

de soufre
et de pigments de fer égarant

l’ocre de l’œil
excrémentiel

le bleu grisou de l’interstice.

Les pantelantes roses bleues
d’un cuisseau de singe
pestilentiel

font la lumière de vitrail
de ton « âme » mangée aux mouches

rien —

rien — sinon
que du fond
du goitre
des dieux
morts

… j’écris quand

dans la distance
sous les engrais de l’angoisse

gicle la peur

qui n’a plus que mots
que couteaux

pour étalonner la douleur

j’écris quand —
d’un arrachement dans l’heure

s’adultèrent la langue et le bleu
de l’âcre frisson

de l’aisselle
des mères

— où crépitent les mouches à feu.

Chez la reine des mouches on m’adjure
d’encore encrer le plomb
de frapper
l’ivoire — de toucher la corde

le fil de l’espace nu

de mes trente doigts d’homme-singe

d’éteindre la vibratoire
syncope du non-sens

le prisme de l’écriture
insomniaque
jusqu’à la torsion du pus
de la langue

un cordial — l’esprit de mouche

à refendre l’iris rouge
du singe roi

un cordial à fondre le rail à ronger
l’échelle de fer

à extraire du non-sens

le rugueux cadavre
énucléé

qui recule
l’oubli de soi

dans la terreur de l’espèce.

Empyreume éclat des mouches
éclat de la lettre
blessée

dérèglement de l’unique
asphyxie
à contre-jour

singes l’agilité du sommeil
mouches exclamation
augurale
criblant les scories du souffle

éclaboussant la piste
et la feuille

et le torrent de cailloux

de la voix

empyreumeoffrande où s’immiscent
en rudiments dans le mur

les éclisses des vertèbres
les filaments

de leur folie le foisonnement
d’un néant

intérieurement actif.

Bond de singe rétracté
par chaque
facette de l’œil de mouche

toi le mouvement
et le cœur sinon l’amour

ta limaille aimantée se perd
dans ma tignasse d’aiguilleur

Monstre —
rengaine sauvage

chiendent abstrait de la nuit

minerve de feu s’incurvant
sous l’éboulis de ma nuque

jusqu’à la lanterne sourde
de ta petite TERREUR

de la terreur
comme un rail — avec le vent

qui l’arrache qui
le recloue.

N’est qu’un plectre un ongle
de singe, arraché

forant seul la pierre
lacérant
la seule nuit

un non-oui oscillant
de branche à branche de feuille
à cri – et secouant

le crible du sommeil entrelacs
de mouches et de braises

— un plectre moucheté de venin
touchant le vide
ponctuant

le crissement de la peur

contre l’éveil contre
la consonance aveugle

d’une pierre d’une fleur
d’une fauchée d’herbe humide

hiéroglyphe glissé de l’effroi
d’un ongle

écartant le cœur.

L’herbe d’été la fièvre
baou ! — bourdon de la crampe
le vert

d’une lame dans la vertèbre…

et que le singe cyclope
navigue au long cours
des spasmes des feuilles
de l’air — qui roule, et dilate

sous la touffeur de sa queue
comme une soutane épaisse

l’églantine de la folie

folie de la mort légère
dont l’ombre blanche
infernale

aspire les mouches
et les confettis funèbres

et la poussière du bal

et de la rose trémière
la haute tige
évanouie…

Cette nuit ne finit pas
d’être creusée, ou comblée,
mise à nu

par l’ergot la paille
de la guenon agonie

excavation
du regard tué
écartant le mauvais œil

vide et gisement
gorge
ouverte vrillant le cri

élargissant les nœuds imprégnant
mon bâton d’aveugle vert

tant que le sang
écrit versé
dehors

continue
de couler dedans.

Il tombe le météore
il éclaire le fond de ma vie

tel — ou tout autre qui flatte
la glotte du bègue — ou gèle
un commencement d’incendie

la piqûre de la mouche
noire — ou de toute autre
avant le miel

pourquoi pas l’ubiquité
de l’autre — et le ciel

l’absconse horripilation

d’une bourse pesante et noire
comme un traître singe
de tragédie

il tombe le météore
il creuse la fin de la vie

il dénie mais il acère

la griffe et l’œil
du singe scribe
rebroussés

par le neutre par le blanc
de tout ce ciel injecté

cran de sangle cri
de singe

à l’infini
guenille brûlée de guenon

constellation jetée hors
et distraitement

encrée.

Je tire ma mauvaise haleine
des arrérages de la peur

je tire l’œuf de serpent
et la peste de sa glose

du sang des pattes de singes
et de mouches

et de l’énigme culbutée
dans la fente de leur crassier

dans le ruissellement
de la voix

un transit instrumental
poche de pus rompue

à l’angle tournant des cycles
et des mers

mouche aveugle langue morte
singe mère

dont j’irrigue un rire
sans lèvres.

À quelle potence de mouches
se pendre — à quel singe
se vouer

en découdre s’ils t’exaspèrent
fleur gorgone mouche
indigo singe icare

sans les songes les stases la nuit
du solstice de la mort légère

si je suis la seule bouche
mortelle — et la parole
volatile

qui se meut sous ta paupière

et dans un seul corps rameute
— et ramifie tout le ciel

éidétique nuit d’été
où la pierre apocalypse
se consume sur le pré

de là je dicte aux étoiles
avec la flexibilité d’un idiome

transposé du monstrueux…

JACQUES DUPIN, Les Mères
(Paris, © Éditions P.O.L., 2001)
REPRINTED WITH THE PUBLISHER’S PERMISSION

English

A poem is not made of words
George Oppen

even borborygmies

even monkey
onomatopoeias

passing beyond all bounds of the mouth

empty promises
of monkey money fly money

coins tinkling
under the wound

and the heart apes the fly
and monkeys

blow their nose like flies
sniffing a departed heart

As long as I breathe monkeys dance

a dance whose long arms dangle
voluble thoughts
a glass language a language

of sulfur
of iron pigments leading astray

the ocher of the excremental
eye

the firedamp blue of the interstice.

The panting blue pinks
of a pestilential
monkey haunch

make the stained-glass light
of your “soul” eaten by flies

nothing —

nothing — unless
the bottom
of the dead gods’
goiters

…I write whenever

in the distance
fertilized by anguish

fear squirts out

and no longer has but words
but knives

to calibrate the suffering

I write whenever —
wrenching from time to time

adulterate each other the tongue and the blue
of the acrid shudder

of mothers’
armpits

— wherever the fireflies crackle.

At the fly queen’s I am implored
to ink the lead type once again
to strike
the ivory keys — to pluck the string

the threadof the naked space

of my thirty monkey-man fingers

to switch off the vibratory
syncopation of meaninglessness

the prism of insomniac
writing

till the tongue puss
twists and turns

a heart tonic — spirit of fly

so strong it could split the red iris
of the monkey king

a heart tonic so mighty it could melt
the rail gnaw
the iron ladder

extract from meaninglessness

the rough enucleated
corpse

that pushes back
self-forgetfulness

into the terror of the species.

Empyreuma sparkling fly burst
sparkling burst of the wounded
letter

disturbance of the unique
asphyxia
against the sunlight

monkeys the nimbleness of sleep
fliesaugural
exclamation
riddling the slag of breathing

spattering the path
and the page leaf

and the pebbly torrent

of the voice

empyreumaan offering in which mingle
as rudiments in the wall

backbone splints
filaments

of their lunacythe profusion
of an internally active

nothingness.

Retraction of the monkey leap
by each
facet of the fly eye

you the movement
and the heartif not love

your magnetized iron filings vanish
in my shock of switchman’s hair

Monster —
wild old tune

abstract couch grass of the night

the surgical collar like fiery Minerva
sagging beneath my neck’s scree

all the way to the dark deaf lantern
of your little TERROR

terror
like a rail — with the wind

ripping it up
nailing it back down.

It’s only a plectruma plucked-out
monkey fingernail

alone boring into the stone
lacerating
the only night

a yes-no swinging
from branch to branchfrom page leaf
to scream — and shaking

sleep’s sifterinterlaced
flies and embers

— a plectrum fly-flecked with venom
touching emptiness
punctuating

the screeching of fear

against the wakening against
the blind consonance

of a stoneof a flower
of a mowing of wet meadow grass

a hieroglyph slipped from the dread
of a fingernail

pushing away the heart.

Summer grassbaou
fever! — bumblebee blues
of a cramp the green

of a blade in the backbone…

and that the monkey Cyclops
sails across seas
of spasmsof page leaves
of the air — that rolls, swells

under the stifling cassock-like
tuftishness of its tail and prick

the dog-rose of madness

madness of a light death
whose infernal white
shadow

sucks up the flies
and the funereal confetti

and the dust of the dancing

and the tall
fainted stem
of the hollyhock…

This night keeps getting
hollowed out, or filled in,
laid bare

by the dewclawthe straw
of the death-pang monkey hag

excavation
of the killed gaze
keeping away the evil eye

emptiness and ore deposit
throat
open and boring into the scream

enlarging the knots impregnating
my green blind man’s staff

as long as the written
blood poured
outside

continues
to flow inside.

The meteorfalls
lighting up the depths of my life

such as — or anyone else that flatters
the glottis of the stutterer — or freezes
the beginning of a fire

the sting of the black
fly — or of any other woman
before honey

why not the ubiquity
of the other — and the sky

the abstruse horripilation

of a heavy black scrotum
like a traitor monkey
of tragedy

the meteor falls
hollowing out the end of life

it denies but also sharpens

the scribe monkey’s
claw and eye
both rubbed the wrong way

by the neuter by the white
of all this injected sky

notch in the girth endless
monkey
screams
burned monkey hag rags

a constellation tossed out
and distractedly

inked.

I draw my bad breath
from the arrears of fear

I draw the snake’s egg
and the plague of its glosses

from the blood of monkey
and fly legs

and of the toppled enigma
in the fissure of the slag heap

in the streaming
of the voice

an instrumental transit
with the pus sack broken

in at the turning angle of seas
and cycles

blind fly dead tongue
monkey mother

whose lipless laugh
I irrigate.

On what fly gallows
to hang yourself — to what monkey saint
make your vows

do battle if they exasperate you
Gorgon flower fly
indigo monkey Icarus

without the dreams the stases the solstice
night of light death

if I am the only mortal
mouth — and the volatile
words

that move beneath your eyelid

and in a single body round up
— and ramify the whole sky

eidetic summer night
where the apocalypse stone
burns away on the meadow grass

from there I dictate to the stars
with a flexible idiom

transposed from what is monstrous…

THE ENTIRE SEQUENCE WILL BE INCLUDED IN Of Flies and Monkeys
(New York, Fayetteville: The Bitter Oleander Press, 2011)

Printed from Cerise Press: http://www.cerisepress.com

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