traité des loups / A Treatise on Wolves

French
pour Antoine

La nuit les loups sont bleus, un peu phosphorescents.

Il y a des loups, tu sais, qui regardent aux fenêtres et qui voient la distance. Il y a des loups qui pleurent du silence de la proie.

Il y a des loups qui traînent des rumeurs rose et jaune, il y a des loups qui lèchent le cou des dentellières, il y a des loups furtifs, des loups à la saison. Il y a des loups jaloux dans des villes étrangères.

Il y a l’hiver qui pousse.

Il y a des loups savants qui dorment dans les livres, des loups anachorètes et des loups synthétiques. Il y a des loups absents, très absents, très absents. Il y a des loups sans fond, ce sont les meilleurs loups.

Il y a des loups d’argile, des loups de papier peint. Il y a des loups arabes avec des rubans verts, des loups de temps en temps, d’autres plus absolus. Certains loups sont faciles et le vent les traverse.

Il y a des loups solaires. L’ombre leur veut du bien, eux regardent la mer. Il y a des loups comme ça.

Ils ne rêvent pas toujours, mais ils rêvent quelquefois

Il y a des loups de printemps, des loups d’offres spéciales. Il y a des loups abstraits avec des bas nylon et du rouge aux babines. Il y a des loups frileux, avec des sentiments. Il y a des loups dorés.

Il y a des loups obliques, qui partent avec le jour, qui partent avec la nuit, des loups désespérants avec des airs de loups comme on croit qu’ont les loups.

Il y a des loups furieux, des loups qui pensent aux loups et qui pensent aux baleines. Il y a des romans noirs sous l’oreiller des loups.

Il y a la faim des loups.

Il y a des loups, tu sais, qui n’ont pas de mémoire. Ce sont des loups sans horde, souvent de très jeunes loups, qui ne cherchent qu’un visage où poser leur velours.

Et puis il y a des louves.

PIERRE PEUCHMAURD, L’Oiseau nul
(Paris, Seghers © 1984, pp. 117-118)
REPRINTED WITH THE PUBLISHER’S PERMISSION

English Translation
for Antoine

At night the wolves are blue, a little phosphorescent.

There are wolves, you know, who peer out of windows and look into the distance. Wolves who weep for their silent prey.

There are wolves who spread rumors pink and yellow, wolves who lick the necks of lace makers. Furtive wolves. Seasonal wolves. Jealous wolves in foreign cities.

There is winter blooming.

There are scholarly wolves who sleep in books, hermit and synthetic wolves. Absent, very, very absent wolves. Wolves with no heart, the best wolves.

There are clay and wallpaper wolves, Arabian wolves with green turbans, occasional wolves and unconditional wolves. Certain wolves are troublefree, the wind blows through them.

There are sun wolves. The shade likes to stroke them while they watch the sea. There are wolves like that.

Wolves don’t always dream, but sometimes they will.

Spring wolves, discount wolves, intangible wolves who wear stockings and red lipstick. Chilly wolves. Feeling wolves and golden wolves.

There are oblique wolves who leave by day, who leave by night, and hopeless wolves with a look wolves should have.

There are fierce wolves. Wolves who think about wolves and wolves who think about whales. Under the wolves’ pillows, there are dark novels. There is the hunger of wolves.

Some wolves, you know, have no memory, no pack. Often, they are young wolves in search of a face on which to lay their velvet coats.

And then there are she-wolves.

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